Histoire dessinée de la France : La balade nationale

Histoire de France dessinée : La balade nationale

Histoire de France dessinée : La balade nationale


Différemment des livres sur l’histoire du monde ou de l’histoire de la France dans le monde, voilà une autre réponse des plus sérieuses et des plus plaisantes à cette tendance malsaine que l’on peut trouver autour du concept de « roman national » qui fleure bon les idées réactionnaires quant à présenter l’histoire de France comme une fin en soi, un déterminisme cloisonné et figé avec des arrières-pensées politiciennes bien trop présentes.

Encore une fois, l’Histoire est sujette à manipulations et nous avons là une initiative qui vise à faire saisir des concepts, faire connaître ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas, remettre les choses dans leur contexte, montrer aussi que les connaissances sont analysées en fonction de l’époque pendant laquelle elles sont acquises et que cette époque influence la façon d’interpréter les choses, en bien, en mal, à chacun de juger mais que ce qui compte, c’est d’en avoir connaissance et conscience.

Comment ça se présente ?

Cette série de 20 volumes à venir est éditée par les éditions La Découverte et La Revue Dessinée. S’il n’est pas besoin de présenter la première (enfin, je l’espère), il me semble utile de préciser que la seconde publie une revue trimestrielle qui présente de la BD qui traite de sujet de société : une espèce de magazine d’actualité en BD avec du fond, des articles de contexte en complément à chaque fois.

Depuis quelques années, le travail de La Revue Dessinée m’interpelle et même si je ne suis pas fan de toutes les façons de traiter les sujets qui y coexistent, je trouve cela plutôt intéressant, original et de qualité tant sur le plan BD que sur le plan sociétal. Je savais donc que le premier opus allait sortir.

Je ne vous cache pas que s’il ne s’était agit de Davodeau comme dessinateur, je ne serais pas passé par la phase « je sors mon porte-monnaie » : je trouve l’initiative nécessaire car s’il me semble important de sortir de l’idéologie rance du « roman national » qui ne mérite que de rester au fond du tiroir, je n’avais pas envie de lire quelque chose qui entre dans le débat, la polémique. Je n’ai pas envie de consacrer du temps sur des débats suscités par des nationalistes. Bref, même si j’aime moins les dernières productions d’Etienne Davodeau, c’est du Davodeau, j’achète un peu par principe.

Une toute petite tape

Extrait. Rencontre avec la maréchaussée...

Rencontre avec la maréchaussée…

Et voilà. Une toute petite tape.

Reprenons. La bd se présente comme une épopée moderne (ils se rencontrent, vont faire un peu les « loubards » en allant piquer un sarcophage (un cercueil en fait, celui de Pétain qui sert d’anti-héros ou plutôt de contre-point nationaliste) et se retrouve dans un multiplace à sillonner les routes de France. Et qui retrouvons-nous dans ce road-movies ? La Jeanne bien sur accompagnée de Molière, Michelet, Dumas (le général « mulâtre », le père de l’autre) et Marie Curie, sans oublier le collabo déjà cité. Pour ce dernier, on ne le voit jamais, les auteurs ayant choisi de le laisser enfermer dans un cercueil, ce qui évite de donner une image à ce personnage, de le personnifier et potentiellement de le rendre sympathique car, en effet, souvent on sourit au long de ce récit.

Sous ce côté ubuesque, nos personnages traversent de long en large la France actuelle confrontant notions d’histoire et phénomènes actuels. C’est un point de vue et, pour en revenir à mes à-prioris, je n’étais vraiment pas enthousiaste. Sauf que…

Sauf que c’est très bon. Le duo dessinateur-historien fonctionne à merveille. Là, c’est Sylvain Venayre qui s’y colle en duo avec le sieur Davodeau. L’histoire des grands n’est pas opposée à des celles des gens mais sert à mettre en relief l’une par rapport à l’autre. Des notions fortes sont soulevées comme l’utilisation du dessin, la force de celui-ci (les vitraux dans les églises pour enseigner les écritures saintes, les livres scolaires gorgés d’images que nous nommerions d’Epinal maintenant…). Bref, plus que du contenu et de l’analyse des faits, on nous cause plutôt d’épistémè et de comment se construit l’histoire, celle que l’on enseigne, celle qui s’écrit, celle qui ne s’écrit pas.

Qu’est-ce que çà vient faire là ?

C’est vrai : juste question. Qu’est-ce qu’une présentation de la série vient faire sur un blog dédié à DBA ?

Tout d’abord, on cause histoire. Ouf, c’est un bon début.

On cause aussi et surtout de l’histoire que l’on ne connaît pas. Celle que l’on doit deviner à travers des sources partiales, partielles et incomplètes, qu’il faut deviner par l’analyse, celle qui n’est pas écrite telle la pré-histoire (puisque c’est la définition même de la préhistoire : l’histoire avant que l’humanité ne soit passée à l’écriture). Or, nos périodes de prédilection, l’antiquité et le moyen-âge sont soumises à cette problématique au plus haut point.

Quand je pense que pour l’ensemble Rome Empire + République, on ne dispose que de quelques (centaines de) casques de légionnaires sur plusieurs centaines d’années. Comment alors en déduire avec certitude que tous les troufions de base lors de telle ou telle bataille était équipé de telle ou telle façon ? Quelle légitimité pour celui qui critique notre peinture de figurine comme non réaliste ? Finalement, ce que j’aime pour cette période, c’est qu’aucun psychorigide type amateur de la période napoléonienne n’aura jamais légitimité pour asséner une vérité vraie, seulement relative en fonction des connaissances à un instant donné et que finalement notre loisir est moins soumis à un dogme type « petit livre rouge » comme certains univers de fantasy qui se déroulent en l’an 40.000, qu’il permet d’aborder ‘histoire avec plaisir et avec – somme toute – beaucoup d’humilité. Mais je m’égare…

L'histoire de France dessinée : L'enquête gauloise

L’histoire de France dessinée : L’enquête gauloise

Le point principal est donc que le second opus de la série vient de sortir. Et le titre de celui-ci est l’Enquête Gauloise !

Je suis en train de le lire. Dès les premières pages, c’est extrêmement intéressant. Je viens d’apprendre ce que signifiait le terme Galate par exemple et comment ce terme était né.

Au dessin, on retrouve Nicoby que je ne connaissais pas et à « la plume », c’est l’historien Jean-Louis Brunaux.

Et là, je ne pouvais pas passer à côté et ne pas vous en parler.

Lorsque nous avons lancé la traduction du livre de règles de DBA, la question de la traduction des termes centraux s’est posée. Si bien sur certains n’ont pas posé de problèmes d’autres plus. J’aurais l’occasion d’aborder le fameux « war wagon » lorsqu’on parlera des guerres hussites dans quelques mois, je pense au terme « warband ».

J’étais circonspect. Ma première tentative il y a fort fort longtemps (j’avais des cheveux) à Poitiers avait été tranché par un de mes petits camarades : « Barbares ». Je n’étais pas satisfait. Le terme barbare était trop connoté « celui qui n’est pas civilisé ». J’avais donc contacté Jean-Louis Brunaux pour lui demander son avis : présentation du contexte de ma demande, enjeux de trouver un terme qui puisse caractériser ces troupes qui ne combattent pas sur une discipline d’unité mais plus en grand groupe qui se scindent en corps-à-corps individuels.

Si sa réponse ne me permis pas de trouver une solution idéale (j’ai décidé de conserver une traduction littérale : Bande Guerrière), je vous livre sa réponse qui me semble instructive (en tout cas, moi, j’ai appris des choses) :

Vous avez raison : le mot anglais donné pour la formation militaire chez les Gaulois est problématique. Il évoque trop une bande inorganisée et indisciplinée, ce qui tient de la caricature assez bête.

Jean-Louis Brunaux

Jean-Louis Brunaux

Ceci étant il est difficile de caractériser les formations gauloises qui ont beaucoup évolué dans le temps et y sont assez complexes.

Pour des raisons spirituelles et religieuses le combattant gaulois est plutôt individualiste, dans la mesure où il ne craint pas la mort. Les Gaulois n’ont donc jamais imaginé une formation solide et rigide, telle que la légion. Le combat pour un Gaulois tenait de l’ordalie.

Pour autant le combattant n’était pas seul. A l’époque ancienne (Vè s. av. J.-C.), il combattait sur un char et formait avec le conducteur et un valet qui lui passait les armes une petite formation très soudée et très efficace.

Dans les combats de fantassins, il en allait de même: le guerrier (une sorte de chevalier) était entouré de deux servants d’armes l’un tenant les lances, l’autre le bouclier, qui au cours de la bataille veillaient sur lui et l’épaulaient.Plus tard, quand la cavalerie s’est généralisée, le même trio est demeuré. Son nom gaulois était « trimarkisia » (ce qui signifiait « trois cavaliers »). Le chevalier combattait en première ligne et ses deux valets le surveillaient de loin, prêts à l’entourer, à l’extraire de la bataille ou à lui remplacer sa monture.

Vous voyez, on est très loin du guerrier isolé et indiscipliné.

Et maintenant ?

Je vais retourner finir de lire cet opus. Mais un petit listing des prochains titres devrait vous coller la salive en ébullition au niveau de la glotte et du reste de la trachée jusque derrière les dents de devant…

On a les sources que... l'on veut ?

On a les sources que… l’on veut ?


3 – La gaule romaine
4 – Les barbares
5 – Les Carolingiens
6 – Les temps féodaux
7 – La France des Croisades
8 – La Guerre de Cent Ans

A partir du tome 9, on passe à La Renaissance et à plus récent. On sort donc de notre période préférée. Mais l’avantage d’être « au début » de l’histoire, c’est que les prochains volumes sont annoncés pour 2018. On aura moins à attendre que les fans de l’Empereur ou de Joffre.

Bonne lecture et n’oubliez pas : le Père Noël cherche quelques fois des idées de cadeaux…

Cassandre,
Le 20 novembre 2017.

3 réactions sur “Histoire dessinée de la France : La balade nationale”

  1. Bluestone28 dit :

    super interessant! Je vais jetter un oeil!
    quand aux Gaulois, dans notre règle preférée, ils sont de temps en temps classés en Wb et de temps en temps en Ax (notamment Alliés avec les Romains Polybiens II/33), alors que les Thraces sont classés en Ax et, bizarrement à mon avis, pas en Wb, alors qu’ils etaient réputés féroces au combat, peu organisés mais néanmoins redoutés! 😉

  2. Cassandre dit :

    Je pense que certaines fois, le classement de troupes n’est pas que de la réputation et/ou la façon de combattre mais aussi des résultats historiques connues lors des batailles où elles interviennent.

    Je connais peu ce qui concerne les Thraces (rien en fait) mais, si on imagine que sur les batailles connues, on n’ait pas de retour de résultats de combats d’unités thraces face à des unités en rang serré telle de la Lame ou de la phalange (de Lances ou de Piques) qui correspondraient à ceux que la Bande Guerrière inflige à ce type d’unité, alors, quelques soit leur réputation, il me semble cohérent qu’ils n’aient pas été classés en bande guerrière mais seulement en auxiliaires par exemple. Je répète : c’est une exemple putatif mais cette réflexion m’est venue plusieurs fois lorsque nous faisions les traductions & relectures.

  3. Bluestone28 dit :

    au sujet des Gaulois et de Vercingetorix un dossier à lire dans
    Science & Vie Guerres et Histoire du mois de décembre…