Tension ou Torsion, des portées, grandeurs et des cadences…

Ou comment certains ingénieurs, de talent (!) (Parce que tout ce beau monde – pendant la période de la Grèce antique – était payé en talents d’or ou d’argent !), ont inventé le moyen d’embrocher, d’écraser, d’annihiler les soldats, défenses et forteresses, comme dirait l’autre, façon puzzle, à distance plus raisonnable parce que… parce que bon!

La technique du siège, aussi bien celle de la défense que celle de l’attaque, se nomme la poliorcétique. L’utilisation principale de l’Artillerie est l’attaque ou la défense pendant un siège, mais certaines machine de jet, bien que très vulnérables au combat rapproché, étaient utilisées comme appui pendant une bataille rangée.

La Catapulte :

La catapulte est considérée comme la première machine de guerre et permettait de lancer des projectiles sur une grande distance.

Oxebeles_375_BC

Vraisemblablement inventée  vers -399 dans la ville de Syracuse (Sicile) sous Dionysios, l’oxybèle ou catapulte (katapeltes) est très répandue. Nommée d’après sa capacité à percer (kata) les boucliers (pelté), elle lance des traits grâce à un mécanisme de tension, puis de torsion basé sur des nerfs de boeuf ou des cheveux. Elle peut être de taille variable, la longueur du trait indiquant la puissance de l’arme. Les plus grandes sont utilisées pour lancer des pierres. Elles sont alors appelées pétroboles ou lithoboles. Contrairement aux oxybèles, qui sont exclusivement des armes anti-personnelles, les pétroboles servent également à endommager des constructions de faible résistance, comme les parapets des murailles ou les ouvrages défensifs en bois. La portée de ces différentes armes ne nous est pas connue. On l’estime au mieux à 400 mètres

À l’origine donc,  le mot « catapulte » désigne un engin lanceur de traits, alors que le terme « baliste » fait référence à une machine qui lance des pierres; mais la signification des deux termes a été intervertie vers le IVe siècle (après JC).

Oxybeles_a_torsion_02_rLa Névrobalisique :

Au siège de Motyé (— 397), en Sicile, la guerre devient œuvre technique et non plus seulement affaire de bravoure. Si les Assyriens et les Carthaginois ont déjà conçu des engins de siège (tours mobiles, béliers), les ingénieurs grecs les développent et introduisent l’artillerie à jet mécanique, dite névrobalistique (catapulte, baliste), pour lancer des projectiles (pierres et flèches).

Décrite par Énée le Tacticien (vers — 350) dans les premiers traités militaires, cette artillerie, qu’Alexandre le Grand utilise aussi sur les champs de bataille jusqu’en Asie centrale, atteint son apogée technique au IIIe siècle avant notre ère avec l’école d’Alexandrie. Les Romains en dotent systématiquement leurs armées.

Vers l’an –340 av J.C, l’oxybèles à torsion développe une telle puissance que leurs projectiles  pénétraient le bouclier et l’armure d’un soldat ennemi à des portées dépassant les 400 mètres. Les ingénieurs grecs développent des machines, dites à torsion, dont la force de propulsion, ou le ressort moteur est l’introduction de cordes de nerfs d’animaux (ou faisceaux), entre de forts cadres de bois.

EOnagre_350_75n Occident, elle disparut pour des siècles. Ses principes furent retrouvés par les croisés au contact des ingénieurs byzantins, mais peu exploités. L’Occident chrétien redécouvre l’artillerie névrobalistique après les premières croisades dans les copies et compilations byzantines des traités militaires hellénistiques et romains de Philon de Byzance et Biton (-IIIe siècle), Héron d’Alexandrie (-IIe siècle), Athénée (- Ier siècle), Apollodore de Damas (IIe siècle) et Végèce (IVe siècle).

A Contre-poids :

Les nouvelles et puissantes machines à contrepoids, construites à partir du XIIème siècle, seront une artillerie de siège. Il faudra donc un millénaire pour voir ré-apparaître, avec les pièces à poudre noire, une artillerie de champ de bataille : quand elle sera devenue assez mobile pour suivre l’armée. Mais il faudra encore des siècles – fin du XVIIIème – pour que soit découvert l’emploi rationnel de cette artillerie.

Enluminure illustrant les engins mongols utilisés au Levant, manuscrit de Rashid ad-Din's Jami al-Tawarikh aux alentours de 1307, Edinburgh University Library

Enluminure illustrant les engins mongols utilisés au Levant, manuscrit de Rashid ad-Din’s : Jami al-Tawarikh, aux alentours de 1307, Edinburgh University Library

L’Extrême Orient ne semble pas avoir connu les gros engins de siège. En revanche, peu après l’an mil, on y trouve des catapultes légères qui lancent des projectiles de type radicalement nouveau : tubes de carton remplis d’un mélange explosif qui « préfaçait » la poudre noire, avec mèche. Ces engins, comparables à nos « bombes » de feux d’artifice, ne produisaient pratiquement aucun dégât : le but était d’effrayer les chevaux, éventuellement les soldats ennemis; ou bien – charge fusante, comparable à nos feux de bengale de provoquer des incendies dans une ville assiégée. Les artilleurs-artificiers chinois n’eurent guère de succès contre les Mongols; mais Gengis Khan, toujours « à l’affût » de ce qui pouvait servir à ses conquêtes, recrutera – de force – dans l’empire Kim un corps de ces spécialistes. Par ailleurs il veillera à faire habituer les petits chevaux mongols au fracas des explosions.

Le Proche et le Moyen Orient (incluant Byzance ) semblent avoir porté l’effort sur les engins classiques puissants de siège et de contre-siège, notamment du type des onagres, lançant en tir parabolique des boulets pouvant atteindre 80 kg environ.

Plus que les traits lourds de l’antiquité, les petites catapultes furent utilisées pour le tir de pots incendiaires, remplis de la mixture feu grégeois ; à défaut, d’un erzatz et à défaut encore, du simple naphte. Les Croisés furent souvent les cibles de ces tirs incendiaires qui ne semblent avoir été utilisés qu’exceptionnellement pendant des batailles, sauf pour appuyer des « sorties » de garnisons de villes assiégées.

trebuchet_chine_1272 C’est pendant la campagne de 1219 à 1225 contre l’empire musulman du Kharechm que les Mongols s’initièrent à la poliorcétique proche/moyenne orientale : béliers, tours d’assaut, engins de jet. Des ingénieurs musulmans furent recrutés et comme leurs homologues chinois, placés sous les ordres d’Ogodei (ou Ogotaï), troisième fils de Gengis Khan, qui, passionné pour ces engins mécaniques, fut en somme le Commandant en chef des formation d’Artillerie et du Génie de son père.

Les chroniques Persannes rapportent que pour la campagne menée de Boukhara vers Tabriz, nécessitant la prise de Merv et celle de la forteresse de Nichapour, Touli, le plus jeune des fils légitimes du Khan, reçut une artillerie de 3000 lanceurs de traits incendiaires (chinois), 700 engins lançant des pots incendiaires, 300 catapultes lourdes, et comme matériel du Génie, 4000 échelles d’assaut. (Plus les personnels de mise en oeuvre!).

Traits…pour traits :

Trebuchet et armes à poudre, Chine XIIIe siècle

Trebuchet et armes à poudre, Chine XIIIe siècle

Il y a donc 2 types de projectiles principaux : Les grandes flèches ou traits (Bolt) (enfin vu la taille, c’était plutôt des javelots ou des lances !) et les boulets (de pierre) plus ou moins grands et lourds selon les machines. Les traits comme arme « anti-personnelles » et les boulets comme arme de destruction des murs et palissades. Cela peut marcher évidement aussi contre les troupes : c’est un projectile issu d’une pierrière qui aurait tué Simon de Montfort lors du siège de Toulouse en 1218! Parfois, étaient lancés des projectiles enflammés, quand aux autres projectiles hétéroclites et divers (cadavres, déjections, têtes…) c’était essentiellement pour saper le moral de l’ennemi et sans doute anecdotique – les distractions étant rares à l’époque, il fallait bien s’amuser un peu…

Les machines de jet à tension (Gastraphètes, Oxybèles…) furent progressivement abandonnées à cause de leur manque de puissance, au profit de machine de jet à  torsion (Oxybèles évoluées, Polybolos, Scorpion, Baliste…) puis par la suite par d’autres techniques : les armes à contrepoids (Pierrières, Mangonneau, Trébuchet…) moins sensibles à l’humidité. Il semble, néanmoins, que les Chinois utilisaient déjà, vers le IVe siècle avant J.C, des sortes de petits trébuchets ressemblant au Pierrières du moyen age (trébuchets à traction humaine).

Une Bombarde (XVe), la ça rigole plus. C’est peu précis, mais qu’est ce que ça envoie !

Une Bombarde (XVe), la ça rigole plus, c’est peu précis, mais qu’est ce que ça envoie !

Puis avec l’invention de la poudre à canon (en Chine vers le IXe siècle), de nouvelles armes apparurent, bombardes, couleuvrines, lance fusées… entraînant une transformation complète de l’architecture défensive.

Les remparts, autrefois élevés en hauteur, pour empêcher les tentatives d’escalades, au détriment de leur épaisseur, doivent être abaissés et épaissis pour resister à la puissance accrue des nouveaux projectiles.

Bluestone

28, juin 2017

 

sources :

Wikipedia, Encyclopedie Universalis,

Végèce De l’art militaire, Livre II, XXIV,

Renaud Beffeyte, L’Art de la guerre au Moyen Âge.

http://www.Katapeltes.fr (une mine (!) d’informations!)

https://leg8.fr/histoire-vivante/armee-romaine/artillerie

http://www.hellenicaworld.com/Greece/Technology/en/CatapultTypes.html

« Les Quatre Grandes Découvertes De La Chine Antique », de Zhuang Wei

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